Recul de la direction dans le dossier de l’Amiante : L’UdeM protège-t-elle son image ou fait-elle preuve de bon sens ?
La direction de l’Université a pris aujourd’hui la décision de se désister de certains dossiers en cours devant la CNESST et le Tribunal administratif du travail (TAT), en lien avec l’exposition d’anciens employés de l’UdeM à de l’amiante dans le cadre de leur travail.
Parmi ces cas, c’est sans doute le cas du professeur retraité Jean Renaud qui a fait couler le plus d’encre. En effet, les médias se sont intéressés au dossier du professeur Renaud, à qui l’UdeM a mis d’innombrables bâtons dans les roues, afin d’empêcher la CNESST d’indemniser M. Renaud, qui avait développé un cancer au cours de sa carrière à l’UdeM. Le professeur Renaud est décédé le 19 mars dernier.
Jusqu’au décès de M. Renaud, l’UdeM justifiait sa contestation sauvage de la réclamation de l’ancien professeur à la CNESST par l’argument qu’elle voulait « aller au fond des choses ». Pourtant, M. Renaud avait reçu son diagnostic de cancer trois ans plus tôt. L’Université n’avait-elle vraiment pas eu l’occasion « d’aller au fond des choses » ?
Deux anciens membres du SEUM-1244 ont eux aussi reçu des diagnostics de cancer causés par leur exposition à l’amiante au travail, à l’UdeM. Le confrère Yves Charland est décédé le 10 novembre 2019 des suites de son cancer. Trois pneumologues, mandatés par la CNESST, avaient conclu que la maladie et le décès d’Yves étaient directement liés à son exposition à l’amiante à son travail.
Pourtant, pendant plus d’une année, l’UdeM a continué sa croisade contre le droit d’Yves et de ses héritiers d’être justement et adéquatement indemnisés pour sa maladie et sa mort. La décision des trois pneumologues ? Ces experts n’étaient probablement pas allés « au fond des choses » …
Quant à elle, la consœur Sandra Ohayon a touché, il y a une dizaine d’années, une indemnisation de la part d’un fonds d’indemnisation américain, parce qu’elle a elle aussi développé un cancer en raison de l’exposition à l’amiante, alors qu’elle travaillait à l’UdeM. Encore une fois, des rapports scientifiques ont établi un lien direct entre la maladie de Sandra et l’exposition à l’amiante dans le cadre de son travail. À en croire la direction, les rapports n’allaient toujours pas « au fond des choses » …
Un ancien concierge a également contracté un cancer en lien avec son exposition à l’amiante au cours de sa carrière à l’UdeM. Décédé en 2010, l’UdeM avait contesté jusqu’en 2015 son droit d’être indemnisé !
On comprend donc le véritable sens de l’expression « aller au fond des choses » pour l’employeur : cela signifie se battre bec et ongles pour empêcher ses employés et ex-employés d’être indemnisés à juste titre par un régime gouvernemental en raison de la maladie professionnelle dont ils souffrent et dont ils vont mourir.
Ce n’est pas de bonté de cœur que l’UdeM accepte aujourd’hui de mettre fin à sa guérilla judiciaire. En effet, dans le communiqué publié plus tôt aujourd’hui, le recteur Daniel Jutras ne manque pas d’écrire : « des tests de la qualité de l’air (…) n’ont révélé aucune concentration détectable d’amiante dans l’air et d’autres variables mesurées ».
Le recteur Jutras pousse même l’odieux en affirmant que les décès et les cancers des anciens employés relèvent de « circonstances particulières, qui n’ont pas été élucidées ». Évidemment, le recteur ne présente aucunement ses excuses pour la vendetta procédurière que l’UdeM a fait subir à ces anciens employés pendant près de 15 ans.
Si l’UdeM avait réussi à étouffer le cas du professeur Renaud, elle l’aurait fait. Si les médias ne s’étaient pas intéressés aux cancers causés par l’amiante en milieu de travail, l’employeur aurait poursuivi ses procédures judiciaires abusives, sans doute pour « aller au fond des choses ». En réalité le seul objectif était d’empêcher d’anciens employés à recevoir une juste compensation pour avoir, littéralement, donné leur vie à leur employeur.
Mais enfin, pourquoi nous plaignons-nous ? L’UdeM est fière d’être l’un des 100 meilleurs employeurs au Canada. Après tout, n’offre-t-elle pas « la Cadillac des conditions de travail » ?